Les stages en entreprise, un changement de routine à ne pas minimiser
Pendant ma scolarité, j’ai été obligé d’effectuer plusieurs stages. Bien que j’ai eu la chance de ne pas avoir à chercher par moi-même les entreprises prêtes à m’accepter, ces périodes de stage furent toujours pour moi une épreuve difficile. Le passage du milieu scolaire au milieu professionnel apporte énormément de changements que ce soit dans l’organisation des journées mais aussi dans la façon de réaliser le travail. Je n’ai bénéficié que de très peu d’aménagements pendant mes périodes de stages et d’aucun accompagnement. Pourtant je pense que cela aurait été nécessaire. Tous mes stages se sont terminés à ne plus vouloir y aller le matin. Ci-dessous, les changements majeurs entre l’école et l’entreprise :
- Des journées moins structurées. Jusqu’à la fin des études, l’emploi du temps décrit précisément le déroulement de la journée. À telle heure, telle matière dans telle salle, etc. En stage, en arrivant le matin, je sais que je dois continuer le travail laissé la veille avant de partir mais je n’ai pas de vision globale sur le déroulement de la journée. Le travail imprévu et urgent peut arriver à tout moment.
- Plus de pauses régulières. À l’école, l’emploi du temps définit des inter-cours, des périodes de pause qui permettent de se rendre dans la salle du cours suivant tout en faisant diminuer le stress et en se préparant mentalement à travailler une autre matière. En entreprise, les temps de pause ne sont pas clairement définis, chacun s’arrete quand il le souhaite. Personnellement, je ne savais pas quand prendre une pause et que faire pendant celle-ci. Je n’en prenais donc pas et restais assis entre 8 et 9 heures chaque jour, sans bouger de ma chaise. Seul le temps de manger un pain au chocolat le midi pouvait être considéré comme une pause et était l’occasion de me lever. Aller aux toilettes est inconcevable pour moi, que ce soit à l’école ou en entreprise, je ne sais utiliser que ceux de la maison. Au fil des semaines, les douleurs aux jambes se sont fait sentir et pouvaient être insupportables certains jours !
- Travailler toute la journée, toute la semaine sur le même sujet. À l’école, les journées sont rythmées de différentes matières. Mathématiques puis anglais etc. En entreprise, j’ai passé des journées entières sur le même sujet, à essayer de résoudre le même problème. Ne pas pouvoir changer de sujet, voir des choses nouvelles est réellement frustrant et a généré beaucoup de stress.
- Les collègues sont aussi des supérieurs. À l’école, la hiérarchie est simple : les autres élèves sont les collègues et les enseignants, les supérieurs hiérarchiques. En entreprise, la distinction entre collègue est supérieur hiérarchique est moins prononcée. Certaines personnes partageant le même bureau, travaillant sur les mêmes choses et pourtant, n’ont pas le même rôle.
Je pense que ces changements ont très fortement contribué à rendre mes journées en entreprise vraiment très difficiles, à me faire angoisser à l’approche d’une nouvelle journée ou d’une nouvelle semaine. Les derniers mois de stages devenaient particulièrement difficiles.
Mes maîtres de stages et les responsables des entreprises dans lesquelles je suis allé ont toujours été très satisfait du travail fourni et ont toujours voulu bien faire les choses pour que je puisse travailler dans de bonnes conditions. Ils ont essayé de mettre en place, tant bien que mal, certains aménagements.
- Les horaires. Les journées sans pauses sont épuisantes et la période d’adaptation au nouvel environnement demande beaucoup d’énergie. Sans oublier le travail à fournir qui demande de se concentrer pendant de longues périodes. Étant plus efficace le matin, j’arrivais vers 8 heures alors que la plupart des autres personnes commençaient leur journée une heure plus tard. Bien que j’eus la permission de finir tôt dans l’après-midi, cela est sans compter sur les autres personnes pour qui, 16 heures se trouve au milieu de l’après-midi et organisent des réunions, viennent discuter de l’avancement du travail à cette heure-ci. Je ne partais donc rarement avant 17 heures de l’entreprise. Cela a rendu mes stages épuisants. Je crois que nous ne réalisons pas encore assez que supporter l’environnement en plus du travail génère beaucoup de fatigue pour les personnes autistes.
- Une place au calme. Dans toutes les entreprises où je suis allé, le travail s’effectue en open-space et non dans de véritables bureaux. La proximité avec les autres personnes, les bruit environnants et entendre les discussions qui ne me concernent pas ont vraiment été des choses difficiles à supporter, rendant les périodes de concentration aussi courtes que possible. Pourtant, mes maîtres de stage ont tous fait très attention à me placer dans l’endroit le plus calme de l’open-space. Malheureusement, être près de la fenêtre ouverte en plein été avec un tramway qui passe toutes les cinq minutes ou encore sous la climatisation qui ronronne sans arrêt ne sont pas des lieux qui me conviennent pour me concentrer.
Je pense vraiment que les aménagements n’ont pas été suffisants. Par exemple, les consignes furent parfois peu claires. Juste pour vous donner un exemple, il m’a été demandé de vérifier si un programme avait une fonctionnalité précise. Je l’ai fait en lisant la documentation alors que le maître de stage attendait que je le fasse en lisant et en comprenant le code source du programme.
Enfin, les relations avec les autres personnes de l’entreprise ont été difficiles. Ils ne savaient pas comment interagir avec moi, avaient peut-être peur ou ne savaient pas ce qu’est l’autisme. Toujours est-il que mes maîtres de stages sont les seules personnes de l’entreprise avec qui je pouvais discuter. Certaines personnes ne me disaient pas bonjour le matins alors qu’elles saluaient chaque personne individuellement. D’autres s’adressaient à mon maître de stage qui me répétait ce qu’elles disaient au lieu de s’adresser directement à moi.
Dans ces conditions, il fut difficile pour moi de me considérer comme un vrai membre de l’entreprise. J’ai toujours vécu les stages comme une corvée et j’ai toujours été ravi lorsqu’ils se terminaient. Je n’ai pas encore de travail mais je sais, avec ce que j’ai vécu ces dernières années, que garder un emploi sur le long terme ne sera pas quelque chose de facile.
La principale chose que je retiendrai :
Ce n’est pas parce que vous êtes bons à l’école, que vous avez de bonnes notes que vous serez capables de travailler une journée en entreprise.
Après l’école, l’arrivée sur le marché du travail est un grand pas dans l’inconnu et il est important que les entreprises sachent comment faire pour inclure les personnes autistes. Ne pas être accueillis dans les meilleures conditions possibles est frustrant à la fois pour les personnes autistes qui ont alors beaucoup de mal à travailler mais également pour les entreprises qui se privent de précieux talents ! Il est important que les entreprises soient sensibilisées à l’autisme, sachent comment s’y prendre pour accueillir les personnes autistes dans de bonnes conditions mais il est également important de donner aux personnes autistes les compétences pour demander eux-mêmes les aménagements dont ils ont besoin. Il est facile, de laisser un tiers comme ses parents, ses enseignants organiser la mise en place des aménagements en entreprise mais les besoins et les difficultés rencontrées en entreprise ne sont pas les mêmes que celles que nous avons rencontré jusqu’à présent.