• Note de l’éditeur : cet article écrit par Carmen Adam a été originellement publié dans un contexte américain. Toutes les situations qui y sont décrites ne peuvent pas s’appliquer en France *

Passer le permis est une étape importante dans la vie des adolescents et des jeunes adultes. Ils n’ont plus à demander à papa et maman de les emmener chez leurs amis. Maintenant, ils peuvent se rendre en voiture à l’école, au travail et au-delà, ce qui leur donne plus de liberté par rapport à leur emploi du temps. Apprendre à conduire est une bonne occasion pour les adolescents et les jeunes adultes de gagner leur autonomie.

Passer son permis est processus long et compliqué, cependant, les personnes autistes, apprendre à conduire est souvent plus compliqué.

L’autisme est un handicap qui concerne une personne sur 59 aux États-Unis. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM 5), l’autisme se caractérise par des difficultés d’interaction sociale, des comportements répétitifs et des intérêts limités.

Les personnes autistes peuvent-elles conduire en toute sécurité ?

Cela dépend ! Certaines personnes peuvent présenter des symptômes qui les rendent incapables de conduire, tandis que d’autres peuvent avoir un peu de difficulté à apprendre à conduire mais devenir des conducteurs qui conduisent plus en sécurité que la population générale. Beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes autistes sont intéressés par la conduite et capables de conduire.

  • Près des deux tiers des jeunes adultes autistes s’intéressent à la conduite ou ont leur permis.
  • 1 personne autiste sur 3 (sans déficience intellectuelle) est titulaire d’un permis de conduire avant l’âge de 21 ans.
  • 90 % des adolescents autistes qui pratiquent la conduite accompagnée obtiennent leur permis de conduire en 2 ans.

Les personnes autistes sont plus susceptibles de conduire lorsqu’ils :

  • Sont étudiants à temps plein
  • Prévoient d’aller à l’université
  • Ont déjà eu une expérience d’un travail rémunéré
  • Ont des parents qui ont déjà aidé d’autres adolescents dans l’apprentissage de la conduite

Afin de conduire efficacement et en toute sécurité, plusieurs compétences sont nécessaires et notamment :

Comprendre et suivre les règles : respecter les limites de vitesse, ce qu’il est permis de faire sur la route mais aussi comprendre quelles sont les conséquences d’une infraction aux règles. Habiletés motrices : manier le volant, les freins, la pédale d’accélérateur et les clignotants de façon efficace et au bon moment. Coordination : utiliser les mains et les pieds en même temps. Planification : se diriger sans se perdre ; savoir quand s’arrêter pour faire le plein ou la vidange. Concentration : être attentif à la route pendant tout le trajet. Ordonnancement : savoir dans quel ordre les événements vont arriver. Flexibilité cognitive : changer ses plans lorsque quelque chose d’imprévu se produit (route barrée, tempête de neige, etc). Priorisation : filtrer les distractions (musique, bruits, lumières vives des phares, etc) Comprendre les indices sociaux : savoir quand les autres conducteurs vous laisseront passer à une intersection. Contrôle émotionnel : rester calme et répondre de façon appropriée aux circonstances exceptionnelles (comme un accident, se faire arrêter ou être en face d’un conducteur qui ne respecte pas les règles).

Bien que certains symptômes courants de l’autisme, comme la surcharge sensorielle, la réduction des habiletés motrices et les difficultés de planification et de contrôle des émotions peuvent entraîner des comportements de conduite dangereux, d’autres, comme le respect des règles, peuvent favoriser une conduite plus sécuritaire. Bien sûr, chaque personne autiste est unique et donc la décision de passer son permis ou de prendre le volant est une décision très personnelle.

Déterminer si la personne est prête pour conduire ?

Alors, comment savez-vous quand vous ou votre adolescent est prêt à conduire ? Cela dépend des capacités et de l’enthousiasme de la personnes. Discuter de la conduite devrait idéalement commencer un an ou deux avant de démarrer les leçons de conduite. Demander l’avis de professionnels est également une bonne idée.

Ci-dessous, quelques éléments à prendre en compte.

Avez-vous l’impression que vous ou votre adolescent fait constamment preuve de maturité à l’école, devant ses pairs et à la maison ?

Est-ce que vous/votre adolescent est réceptif aux critiques constructives ?

Est-ce que vous ou votre adolescent a connaissance des règles de la route et sait quelles sont les compétences qui sont enseignées dans les écoles de conduite ? Si non, avez-vous besoin d’instructions spécialisées ?

Est-ce que vous/votre adolescent êtes d’accord de conduire sous la supervision d’un moniteur avant de pouvoir conduire de manière indépendante ?

Est-ce qu’il y a des contraintes médicales (comme une mauvaise vue) qui pourrait vous/votre adolescent empêcher de passer le permis de conduire ?

Y a-t-il des interventions médicales nécessaires pour garantir une conduite sans risque, comme un traitement pour l’hyperactivité si vous ou votre adolescent êtes hyperactif ?

Que doivent faire les familles si leur adolescent ou jeune adulte semble avoir les compétences nécessaires pour conduire mais ne montre pas d’intérêt pour passer le permis ? Cela dépend en partie de ce qu’il prévoit de faire au cours des prochaines années. S’il se rend au collège ou au travail, il serait peut-être bon de discuter au sujet de la conduite avec lui. Demandez-lui pourquoi il ne souhaite pas conduire et insistez sur les avantages tangibles de cet apprentissage. Cependant, ne poussez pas la personne à conduire si elle ne se sent pas prête. En revanche, si la personne ne prévoit pas de se déplacer régulièrement ou si elle a accès aux transports en commun, il n’est peut-être pas aussi important d’apprendre à conduire tout de suite.

Si la conduite n’est pas la meilleure option pour vous/votre adolescent, vous devriez regarder quels sont les autres moyens de transport qui permettent la plus grande indépendance possible. Vous pouvez toujours rouvrir le débat de savoir si la conduite est appropriée.

Code de la route

Si vous avez décidé que vous ou votre adolescent êtes prêt à conduire, il est temps de se préparer pour passer l’examen du code de la route. Il s’agit d’une série de questions écrites sur les règles de la route et la sécurité.

Voici quelques conseils pour vous préparer au test :

  • Lisez le livre de code entièrement
  • Parlez à votre famille des sujets traités dans le livre et n’hésitez pas à poser des questions pour éclaircir les points que vous ne comprenez pas
  • Entraînez-vous. De nombreux questionnaires sont disponibles en ligne. Notez les questions sur lesquelles vous vous trompez et recommencer jusqu’à ce que vous soyez à l’aise.
  • Repérez les lieux de l’examen quelques jours en avance. Détendez-vous et ne gérez correctement votre stress le jour J.

Apprendre à conduire

Les adolescents et les jeunes adultes autistes ont une courbe d’apprentissage unique dans l’apprentissage de la conduite. Une étude réalisée en 2018 suggère que les adolescents autistes peuvent mettre plus de temps que leurs pairs pour maîtriser certains éléments de la conduite, comme maintenir une vitesse appropriée et rester sur leur file. Par conséquent, cela leur nécessite des mois ou des années supplémentaires pour obtenir leur permis. Mais une fois qu’ils ont obtenu leur permis, ils sont souvent en mesure de conduire aussi bien que leurs pairs.

Il est donc important que toutes les personnes concernées restent patientes et positives tout au long du processus. Même si la personne finit par ne pas obtenir de permis, apprendre à conduire peut quand même être bénéfique pour son développement personnel.

Voici quelques conseils pour rendre le processus d’apprentissage plus facile et gratifiant :

Utilisez un simulateur de conduite

Les simulateurs de conduite permettent aux personnes autistes de se familiariser avec les compétences de base et la mécanique de la conduite sans se soucier de leur sécurité. Certains simulateurs de conduite peuvent être achetés, mais ils peuvent être coûteux. De nombreuses universités, comme l’Université de Virginie et l’Université Vanderbilt aux États-Unis, développent des simulateurs de conduite dans le cadre de leurs recherches sur la conduite et l’autisme. Le simulateur de Vanderbilt peut même évaluer les forces et les faiblesses des élèves et adapter ses leçons pour leur permettre d’améliorer des compétences spécifiques. En communiquant avec les universités de votre région, vous pourriez avoir accès à ces simulateurs tout en économisant de l’argent.

Choisissez un moniteur qui comprend vos besoins

Bien que la famille puissent jouer ce rôle dans le cas de la conduite accompagnée (particulièrement s’ils ont déjà enseigné la conduite à d’autres personnes), il est utile de conduire avec un moniteur qui est formé à enseigner aux personnes ayant des besoins particuliers. Demandez aux écoles de conduite autour de vous s’ils ont des programmes d’enseignement adapté.

Discuter du type d’apprentissage et de ce qui vous préoccupe

Cela est particulièrement utile si vous et le moniteur ne vous connaissez pas mutuellement. Vous devez également penser à votre style d’apprentissage (vous pouvez préférer les choses écrites, visuelles ou verbales), mais aussi à tout ce qui vous préoccupe sur la conduite (comme devoir faire plusieurs choses en même temps, devoir gérer l’environnement sensoriel, ne pas sur-réagir si quelque chose d’imprévu se produit). Expliquez tout cela à votre moniteur.

Commencez par les bases

Avant de commencer à conduire, vous devrez apprendre quels sont les éléments de base de la voiture (comme les pédales, le volant et les rétroviseurs). Vous devrez également apprendre à ajuster le siège, le volant et les rétroviseurs. Une fois que vous serez prêt à conduire, trouvez une grande place libre et entrainez-vous avec l’accélération, le freinage et la direction.

Maîtrisez chaque compétence avant de passer à la suivante

En moyenne, les personnes autistes ont besoin de plus de temps pour maîtriser chaque compétence et obtenir leur permis. Passer ce temps supplémentaire à développer ces compétences particulières est utile pour votre développement personnel et votre sécurité. Il est également important que vous soyez capable de conduire dans un environnement que vous connaissez avant d’appliquer ces compétences dans de nouveaux endroits. Une fois parfaitement à l’aise, il vous sera plus facile d’apprendre des compétences plus avancées.

Utilisez des stratégies de communication efficaces

Les instructeurs apprendront quelles sont les stratégies les plus efficaces pour leurs élèves à mesure qu’ils passent plus de temps ensemble. Entre-temps, des stratégies comme découper l’information en petites parties, utiliser un langage clair et littéral, écrire et dessiner ou utiliser des indices physiques pour évaluer la vitesse et les distances, fonctionnent de nombreuses personnes autistes.

Enfin, d’autres stratégies peuvent être utilisées par des parents ou les moniteurs

Illustrez vos explications par des cas concrets

Des exemples dans la vie de tous les jours peuvent aider à expliquer l’importance de divers concepts comme les clignotants ou les distances de sécurité. N’illustrez pas trop fréquemment vos propos par des situations de conduite qui se sont déroulées avec la personne à laquelle vous enseignez car cela peut être interprété négativement et vu comme une critique. Pour enseigner des concepts tout en évitant les critiques excessives, l’instructeur devrait utiliser sa propre expérience comme exemple.

Minimisez les distractions

Certaines personnes autistes peuvent avoir des difficultés pour filtrer les distractions comme les éblouissements des phares, ou le bruit de la radio. Les instructeurs doivent éviter d’écouter de la musique et de parler trop, particulièrement pendant les premières leçons. Une fois que la personne a son permis, il peut être utile de lui conseiller de limiter le nombre de passagers dans la voiture.

Discutez de scénarios hypothétiques

Que faire en cas d’accident ou si le trafic s’arrête ? Parlez de ce que la personne doit faire. Incluez des stratégies pour apprendre à rester calme si cela est utile ou des jeux de rôles. Il peut être utile d’avoir une liste d’instructions écrites dans la voiture pour ces situations ou une note sur le tableau de bord pour signifier aux autres conducteurs que la personne est autiste et peut avoir un comportement différent.

Réfléchissez à embaucher un orthophoniste pour développer les compétences linguistiques

Les orthophonistes peuvent aider à développer plusieurs compétences qui sont essentielles pour la conduite. Cela inclut le vocabulaire, la résolution de problèmes, la prédiction, la planification, la priorisation mais aussi les compétences pour utiliser le téléphone afin d’appeler les secours.

Encouragez

Comme nous l’avons déjà mentionné, certaines caractéristiques de l’autisme peuvent être des points forts pour la conduite automobile. Si la personne est douée pour se diriger et suivre les règles, félicitez-le pour cela. De plus, félicitez-la pour ses améliorations, aussi petites soient-elles. En la rassurant qu’elle sur les progrès effectués, elle sera motivée pour continuer d’apprendre.

Ne poussez pas la personne à faire des choses qui la mette mal à l’aise

Pour diverses raisons, certaines personnes ne veulent pas conduire au-delà d’une certaine limite de vitesse, conduire sous la pluie ou lorsqu’il fait nuit. Respectez ces limites et concentrez-vous sur les compétences qu’elle souhaite développer.

Apprendre à conduire n’est pas une mince affaire, surtout pour les adolescents et les jeunes adultes autistes. Mais avec du temps, de la pratique et de la patience, bon nombre d’entre eux peuvent acquérir les compétences dont ils ont besoin pour devenir des conducteurs indépendants et prospères.